Ce jeudi 5 juillet 2018, pour la première fois, mon cabinet est en grève
- 5 juillet 2018
Courrier de lecteur
Tous les jours, même les week-ends, de nouveaux patients cherchent désespérément un masseur-kinésithérapeute qui puisse les prendre en charge en cabinet. Les demandes pour les soins à domicile sont elles aussi grandissantes et impossible à prendre en charge. Les patients sont constamment en demande de soins. Et je dis "non" tous les jours à de nouveaux venus avec le cœur sincèrement serré.
Après 50 h de travail hebdomadaire, je n'ai plus aucune place. Chaque jour, je dois gérer des urgences traumatiques, bronchiques ou neurologiques qui ne peuvent attendre. Il m'arrive très souvent de devoir prendre en charge plusieurs patients à la fois, dans un laps de temps réduit. Et je me donne à 100 % pour leur offrir les meilleurs soins, le plus consciencieusement possible. Avec une organisation millimétrée et beaucoup d'efforts. En cette journée de grève, mon cabinet est d'ailleurs ouvert, et je n'affiche que cette lettre dans ma salle d'attente.
L'augmentation constante des frais de fonctionnement du cabinet et de la vie en général entraîne une perte de revenus plus dure à supporter chaque année (plusieurs centaines d'euros par mois). Quel intérêt ai-je à poursuivre ? J'étudie donc chaque offre qu'on me propose en centre privé, à l'étranger, et je songe à changer de métier. Alors même que j'ai investi des dizaines de milliers d'euros de crédit bancaire dans l'agencement de mon cabinet et dans du matériel de qualité pour offrir une prise en charge optimale.
Nos campagnes sont délaissées. Aucune perspective d'amélioration. Je ne fais pas de dépassement d'honoraires car les gens que je prends en charge n'en ont pas la capacité. Et je considère que mon revenu ne doit pas justifier une pratique de clientélisme. Je ne fais aucun soin hors Sécu car je n'ai pas le temps de laisser en plan tous les autres malades.
D'autre part, nous n'avons pas accès à des stagiaires venant pour une longue durée. Pas de possibilité d'embauche en apprentissage. Je travaille seul. Je ne trouve jamais de remplaçant. Pas de secrétaire. Personne ne vient s'installer ici. J'attends donc mes 15 jours de vacances cet été avec impatience.
Pour tout dire, j'ai même maintenant des problèmes de santé liés à mon activité, bien que je n'aie que 12 ans d'activité depuis mon DE passé à Berck-sur-Mer. J'ai consulté plusieurs spécialistes qui me disent tous de ralentir mon rythme de travail. Et en même temps, ils me demandent si je peux venir faire des vacations dans leurs hôpitaux, qui sont aussi désertés par les kinés !
Voilà mon constat et mon coup de gueule. Il est décousu, brut, profondément triste et tombera sûrement dans l'oubli. Je souhaite pourtant ardemment que l'on trouve des solutions. Voici une piste pour nos tutelles : aidez-nous à exercer notre passion dans de meilleures conditions ! Sinon vous ne trouverez plus personne pour faire mon métier de masseur-kinésithérapeute libéral.
Hubert Fummi (80)