Repérage des cancers cutanés :
L'intérêt d'une application mobile
Sophie Conrard
Kiné actualité n° 1535 - 10/01/2019
Une application mobile développée pour les médecins généralistes a permis d’obtenir rapidement l’avis d’un dermatologue, ainsi qu’une consultation de visu et une prise en charge adaptée pour les cas de cancers cutanés diagnostiqués, selon les résultats d’une expérimentation francilienne présentés lors des Journées dermatologiques de Paris le 13 décembre. Des résultats intéressants, étant donné que l’incidence de ces cancers augmente d’autant plus que la population vieillit. La prévalence est de 5 % dans les maisons de retraite et les Ehpad. Or en parallèle, le nombre de dermatologues est en baisse, ce qui entraîne des difficultés d’accès aux soins et surtout un retard de prise en charge, avec dans certains cas une aggravation du pronostic.
La littérature montre que ce type d’approche est fiable, avec une bonne concordance entre les décisions des dermatologues prises à partir des lésions photographiées avec un smartphone et celles examinées cliniquement, à la fois pour le diagnostic, le caractère malin ou bénin, et la prise en charge. Elle permettrait de gagner, selon les sources, 50 à 75 jours sur le délai de diagnostic et de traitement. Par ailleurs, c’est un moyen de sécuriser les échanges de données entre médecins et de trier les urgences pour les dermatologues.
Cerise sur le gâteau, les risques semblent faibles : il y a très peu de faux négatifs et les smartphones de dernière génération fournissent une très bonne qualité d’image.
En Île-de-France, un projet de télé-expertise concluant
Une expérimentation de télé-expertise a vu le jour en Île-de-France il y a un an, financée par l’ARS. L’application est destinée aux médecins généralistes qui peuvent prendre en photo, en mode déconnecté, toute lésion cutanée suspecte (plan large, plan serré, avec réglette) et préciser la localisation de la lésion, son ancienneté, le diagnostic évoqué et l’état général du patient. Ces informations sont envoyées, de façon sécurisée, au dermatologue de proximité (parmi une dizaine de professionnels recrutés en Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne), qui juge du degré d’urgence et du type de prise en charge le plus adapté.
L’un des objectifs de cette expérimentation était de former une centaine de généralistes au dépistage des cancers cutanés et à l’utilisation de cette application. Onze mois plus tard, 91 ont été recrutés et 71 formés. 33 ont envoyé au moins une demande de télé-expertise à un dermatologue.
En tout, 211 demandes ont été envoyées, dont une trentaine étaient inexploitables. 120 ont été jusqu’à leur terme, avec l’envoi du compte-rendu final. Au total, 46 lésions cancéreuses ou précancéreuses ont été détectées, dont 5 mélanomes (dont 3 dépistés par un généraliste), 4 carcinomes épidermoïdes, 17 carcinomes basocellulaires, 1 cancer du sein atteignant la peau par contiguïté, 2 maladies de Bowen, 17 kératoses pré-épithéliomateurses, ainsi que 74 lésions bénignes. Sur cette série, le taux de cancers ou lésions précancéreuses était de 38 %, ce qui représente “une très bonne rentabilité” selon le Dr Marie-Sophie Gautier, du CH Henri Modor à Créteil, à l’origine de ce projet.
Le délai de réponse du dermatologue était de 1,5 jour et pour les suspicions de cancer, le délai pour avoir un rendez-vous était de 14 jours en moyenne (contre 3 mois habituellement).
Le taux de concordance entre les photos et l’examen clinique pour la malignité par rapport à la béniginité était de 82,5 %, en raison d’un cas de kératose pré-épithéliomateuse pris pour un lentigo solaire. La concordance diagnostique était de 74 %.
L’expérimentation va être poursuivie. 200 nouveaux généralistes doivent être recrutés début 2019.
Par Sophie Conrard (avec APM news)