Santé publique : l'impact de la pollution aux particules fines revue à la hausse
Jean-Pierre Gruest
- 16 décembre 2019
On savait que la pollution aux particules fines était néfaste pour notre santé, et directement impliquée dans un certain nombre de pathologies, en particulier respiratoires. Les résultats d'une étude américaine publiée le 27 novembre dans le British Medical Journal (BMJ) montrent qu'elle est encore plus nocive qu'on ne le pensait. Explications.
Selon une étude menée par Yaguang Wei, doctorant au département de Santé environnementale du Harvard TH Chan School of Public Health de Boston (Massachusetts, États-Unis), la pollution aux particules fines est associée à des pathologies dont le lien n'avait jusqu'alors pas encore été identifié, parmi lesquelles la septicémie, les troubles électrolytiques, l'insuffisance rénale, les infections urinaires et celles de le peau et des tissus subcutanés.
Pour rappel, on entend par "particules fines" les microparticules en suspension (notées PM pour particulate matter en anglais) portées par l'eau ou solides et/ou liquides portées par l'air. Elles peuvent être d'origine naturelles (éruption volcanique, incendies, feux de végétation…) ou anthropiques (chauffage au bois, combustion de combustibles fossiles, centrales thermiques…). Dans le cas de la pollution de l'air, ces poussières sont souvent issues de combustions incomplètes. Elles sont de 2 sortes : les particules PM10, au diamètre inférieur à 10 µm, et les particules PM2,5, au diamètre inférieur ou égal à 2,5 µm, qui peuvent se loger en profondeur dans les voies respiratoires, notamment les alvéoles des poumons.
Pour l'étude publiée par le BMJ, Yaguang Wei et ses collègues ont estimé les doses quotidiennes de PM2,5 pour chaque km2 des États-Unis. Ils ont ensuite lié ces informations aux données d'hospitalisation, récupérées entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2012, de 95,3 millions d'Américains couverts par le programme Medicare, qui est à destination des plus de 65 ans. L'objectif était de mesurer l'impact à court terme (entre la veille de l'hospitalisation et le jour même) du taux de PM2,5 sur les hospitalisations. Résultat : ils ont trouvé une association positive pour des pathologies dont le lien avec la pollution n'avait pas encore été observée dans une étude scientifique.
Les directives de l'OMS à revoir
Cette liste de pathologies inédites compte la septicémie (+ 15 % de risque pour chaque 1 µm/m3 de PM2,5 supplémentaire), les troubles électrolytiques et des fluides (+ 24 %), l'influence rénale aiguë (+ 23 %), les infections urinaires (+18%), les infections de la peau et des tissus sous-cutanés (+13%). Elles s'ajoutent aux augmentations, déjà connues, des insuffisances cardiaques congestives non hypertensives, pneumonies, BPCO, infarctus du myocarde, arythmies cardiaques, athéroscléroses coronaires, insuffisances respiratoires, maladies de Parkinson, diabètes avec complications et thrombo-embolies.
Ces associations restent vraies lorsque l'analyse est restreinte aux jours où les concentrations de PM2,5 sont inférieures aux normes fixées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Un coût terriblement élevé
Au total, dans la population étudiée, chaque augmentation de 1 µm/m3 de PM2,5 était associée à une augmentation annuelle de 5 692 hospitalisations, 32 314 jours d'hospitalisation et 634 décès, pour un coût de 100 millions de dollars en matière de soins. Pour autant, "notre compréhension des divers processus physiologiques perturbés par les PM2,5 pour les nouveaux groupes de pathologies identifiées est incomplète. C'est pourquoi les associations et les admissions hospitalières et les coûts correspondants devraient être interprétés avec précaution", insistent les auteurs. Dans un éditorial associé à son article, Yaguang Wei déclare que "les maladies nouvellement identifiées comme étant liées aux PM2,5 suggèrent que l'effet de l'exposition aux PM2,5 n'est pas restreinte à l'intérieur d'organes individuels. L'exposition à court terme aux PM2,5 a un effet plus systémique sur de multiples processus pathophysiologiques comme l'inflammation, l'infection et l'équilibre aqueux et électrolytique".
L'observation des auteurs selon laquelle les associations restent vraies y compris en dessous des normes de l'OMS suggère donc que "les directives doivent être revues et mises à jour". Cela "confirme les conclusions d'autres auteurs qui ne trouvent pas de limite inférieure sûre d'exposition aux PM2,5", c'est-à dire une limite en dessous de laquelle ils sont inoffensifs, estiment Matthew Loxham et ses collègues du Biotechnology and Biological Sciences Research Council dans un autre éditorial du BMJ.
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