Épidémie de Covid-19 : l’aide précieuse des kinésithérapeutes sur le terrain
Alexandra Picard
- 24 mars 2020
De nombreux kinésithérapeutes mis à l’arrêt dans leurs cabinets et d’étudiants en masso-kinésithérapie, qui n’occupent plus les bancs de l’IFMK, se mobilisent pour apporter leur aide sur le terrain. De la maison de retraite à la réserve sanitaire, les initiatives locales se multiplient pour tenter d’endiguer la propagation du Covid-19.
Les kinésithérapeutes sont des aides précieuses et beaucoup de médecins sur le terrain le confirment. À Lyon, c’est le médecin coordinateur d’une maison de retraite qui a demandé à 3 d’entre eux de venir en renfort. Ils ont été sollicités pour leur "plus-value sanitaire" puisque, en raison de leurs compétences, ils apportent aux salariés (cuisiniers, personnel d’entretien ou administratif…) des conseils pratiques sur les gestes barrières à respecter. "Nous organisons également le matériel et les installations, nous réalisons de la manutention, de la réparation, nous mettons la main à la pâte pour anticiper et pallier aux tâches qui pourraient ne plus se faire par manque de personnel", explique l’un d’entre eux (qui a souhaité rester anonyme) qui, par mesure de précaution, change de vêtements pour éviter toute potentielle contamination avec l’extérieur. Une mesure capitale pour anticiper une possible vague d’absentéisme dans la structure.
Un relais crucial pour le corps médical
Dans les Pyrénées-Orientales, les kinésithérapeutes ont également été sollicités pour épauler un médecin généraliste qui a décidé de monter une MSP dans un quartier de Perpignan afin d’intervenir auprès de la population gitane, particulièrement importante dans cette ville. "C’est une population fragile car elle n’est pas toujours suivie médicalement. C’est la préfecture qui a demandé la mise en place de ce centre pour décharger les urgences de l’hôpital et réaliser un dépistage et un triage en amont", explique Stéphane Galinier, kinésithérapeute à Collioure. Un travail interdisciplinaire auquel les kinésithérapeutes sont rompus : "J’avais collecté tous les numéros de téléphone et les mails pour agir vite et pouvoir si besoin solliciter une infirmière ou un médecin. J’ai également demandé aux médecins et infirmières quels étaient leurs besoins. Avec une collègue pédicure podologue, nous sommes allés chercher des masques dans les pharmacies pour les mettre à disposition des infirmières. Nous avons également récupéré le matériel qui avait été mis à disposition des mairies lors des élections municipales pour les redonner à des médecins généralistes."
Il n’a pas hésité une seconde à mobiliser le réseau des kinésithérapeutes de la région pour fournir des bras à la nouvelle MSP. "Nous ne sommes pas sur une aide d’urgence, mais notre expertise et notre capacité à travailler en coordination contribuent à épauler les services hospitaliers à distance. Sans compter qu’il est fort probable qu’on fasse appel à nos services pour assurer des liens administratifs en cas d’afflux de patients afin de gérer leur triage en amont. Nous pourrons aussi être là pour détecter par exemple les patients atteints de BPCO qui décompensent par manque de produits de corticothérapie par voie inhalée et tous ceux dont nous sommes en mesure d’identifier qu’ils sont à risque."
Un vecteur d’informations auprès des confrères et des patients
71 cas confirmés de coronavirus, avec 293 hospitalisations en cours, 86 en réanimation et 30 décès en établissements de santé. Dans ces circonstances, Stéphane Galinier se voit comme "un maillon relais, car c’est important de faire le lien entre tous les professionnels de santé". Il essaye également d’être un vecteur d’information des règles de bonnes pratiques et des gestes barrières auprès de ses confrères, tout en continuant à assurer le suivi de ses patients à distance : "Je téléphone aux plus fragiles, notamment ceux en post-opératoire pour une prothèse de hanche, de genou… mais également aux plus âgés pour leur donner des exercices à faire, leur parler, leur poser des questions sur leur état de santé. Ça permet là encore d’être utile !"
La réserve sanitaire fait le plein
Du côté de la réserve sanitaire, sa présidente Catherine Lemorton demande aux kinésithérapeutes qui la sollicitent de lever le pied. "17 000 tentatives de connexions sur notre site Internet ont été enregistrées en une soirée alors que nous notre capacité est de 250, et plus de 1 500 appels ont été comptabilisés bien que nous n’ayons que 20 lignes pour répondre", indique-t-elle, précisant avoir déjà 36 000 inscrits. Parmi ces derniers, des professionnels libéraux, des retraités, mais surtout des étudiants.
Elle demande cependant aux kinésithérapeutes de rester en alerte car "nous aurons bientôt besoin d’eux en 2e ligne et pour des tâches différentes de la rééducation, par exemple assurer un renfort administratif au niveau des plateformes téléphoniques, réaliser de la coordination médicale, l’accueil et l’enregistrement des dossiers. Les kinésithérapeutes pourront nous recontacter dans 2 semaines. Idem pour les étudiants qui seront sollicités en 3e recours lorsque le personnel de rééducation diplômé viendra à son tour à manquer. Tous ceux qui disposent d’un matricule sont déjà officiellement inscrits et mobilisables à tout instant par la réserve", affirme-t-elle rappelant que l’urgence est aujourd’hui à la mobilisation des réanimateurs, des médecins urgentistes et des infirmières.
Quant à ceux qui n’aiment pas rester inactifs, ils peuvent toujours "s’ils le souhaitent se rapprocher de leurs instances régionales et des CHU, s’ils disposent d'un contact local".
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