Établissements de santé : un outil pour calculer les coûts réels de la mauvaise santé du personnel
Sophie Conrard (avec Hospimedia)
- 27 mai 2024
Pour un établissement de santé, à combien s’élève la facture pour la mauvaise santé de ses soignants ? Il sera bientôt (en 2025) possible de le savoir grâce à Valoris, un système permettant de calculer les coûts directs et indirects liés à la perte de productivité pour raisons de santé de plusieurs professions exerçant dans les hôpitaux et Ehpad publics et privés.
Cet outil a été inventé par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs réunis en consortium autour de l'École des hautes études en santé publique (EHESP) qui vise surtout, à travers ce calcul, à inciter les établissements à l’action et la prévention.
Les chercheurs doivent mettre au point un indicateur et un vade-mecum à la disposition des établissements de santé.
Tenir compte de tous les coûts indirects
Ce projet est né du constat que les indicateurs utilisés jusque-là pour calculer les coûts de l’absentéisme (le calcul s’appuie sur le nombre de jours d’absence pour raisons médicales, rapporté à la masse salariale) sont insuffisants et n’aboutissent qu’à une "estimation basse", selon Nicolas Sirven, enseignant-chercheur en sciences économiques à l’EHESP. Ce calcul ne tient pas compte de ce qu’on appelle les "coûts de friction". L’absentéisme génère des coûts supplémentaires liés à la désorganisation des équipes et pour remplacer les absents. Par ailleurs, "même si l'absence est palliée, les compétences spécifiques de certains travailleurs font qu'en leur absence, il est impossible pour le remplaçant ou pour l'équipe à laquelle il est inclus de maintenir le niveau de productivité ou d'atteindre les objectifs initiaux". Ce sont les fameux "coûts de friction". En outre, l'absentéisme ne représente que la partie "visible" de la mauvaise santé des soignants : celle-ci affecte également la productivité du travailleur. Il faut donc évaluer le poids du phénomène de présentéisme.
La méthode
Comment vérifier cette hypothèse ? C’est l’objet du projet Valoris, qui va trouver, pour différents métiers, des coefficients multiplicateurs simples à appliquer pour aboutir à la valeur monétaire complète de l’absentéisme et du présentéisme.
Pour cela, les chercheurs vont se baser sur l’étude dite de Strömberg, mise au point en Suède en 2017, une méthode empirique qui mesure les coûts à partir d’une enquête menée auprès des managers des établissements du secteur sanitaire et social, public et privé (directeurs, directeurs des soins, cadres de santé, responsables administratifs et techniques, chefs de services et de pôles…). Ils recevront d’ici peu un questionnaire auquel ils devront répondre. La collecte des données durera jusqu’à juin 2025. L’EHESP espère un échantillon d’au moins 1 000 participants.
L'ensemble des livrables, et notamment le coefficient multiplicateur, devraient être au point pour septembre 2025.
"C'est un projet qui tient la route. L'idée est d'avoir une visibilité des coûts et de créer un outil dont les décideurs du secteur puissent se saisir", a commenté Philippe Denormandie, délégué général de la Fondation MNH et co-auteur d’un rapport sur la santé des soignants, qui a été présentés lors d’un colloque le 19 mars dernier. Il y a effectivement un "angle mort" dans la recherche sur le coût de la santé des soignants.
Les enjeux sont importants : en 2021, le secteur hospitalier français a connu un taux d’absentéisme de 8 %.