L’hebdomadaire de la profession
pour les kinésithérapeutes

"Le patient couronné"

courrier-des-lecteurs

6 décembre 2016

Votre courrier :

La Haute autorité de santé organisait le 16 novembre son colloque annuel “sur les apports de l’intégration du point de vue du patient à la qualité des soins et à l’évaluation en santé”.
La HAS contribue à la régulation du système de santé en améliorant la qualité et l’efficience en santé. Elle évalue et recommande, accrédite et certifie.
Les masseurs-kinésithérapeutes connaissent bien ses travaux puisqu’au quotidien, ils œuvrent avec les seize référentiels de dix régions anatomiques qui “qualifient et sécurisent” les soins. Mais qui, revisités par la Cnamts, favorisent une régulation comptable. N’est-ce pas une manière de rationaliser l’activité des professionnels tout en dénonçant, implicitement, la tendance des assurés à se faire soigner ?
Il ne s’agit pas dans le propos de dénoncer l’usager consommateur de soins. Pas plus que de le mettre au centre du système comme à une époque, ni à la périphérie d’ailleurs, mais de l’intégrer avec les soignants.
Passons sur les dizaines d’années d’études pour les uns, les quintuples pour les autres, puisque désormais, soi-disant, toutes ces connaissances sont sur Internet à la portée de chacun, y compris des adolescents. Ces longues études des professionnels de santé, consécutives à une sélection aussi impitoyable que pitoyable, ne permettraient finalement que de mieux synthétiser les informations pour échanger avec le patient !
Poussant l’exemple de l’usager tantôt expert, coach, leader ou traceur, les Canadiens proposent dans le “modèle de Montréal”  un véritable partenariat entre professionnels de santé et patients. Ces derniers réalisent la totale : ils participent à l’enseignement, aux soins et à la recherche.
Nombre d’autres pays (Angleterre, Allemagne, Belgique, Écosse, États-Unis, Pays-Bas…) élaborent des études incluant le témoignage des patients sur leur parcours de soins, la manière dont ils vivent leur pathologie afin de développer une culture de l’écoute et partager la décision médicale.
Une autre réalité à prendre en considération pour les patients est leur vécu de la maladie. Ils vivent la pathologie au quotidien. Le fait de l’exprimer avec des professionnels leur permet de mieux accepter un mode de vie parfois contraignant, décourageant, mais toujours salutaire.
Il s’agit donc d’intégrer le patient dans le circuit médical pour qu’il comprenne et vive mieux sa pathologie, dans le cadre de l’éducation thérapeutique notamment, mais aussi de l’intégrer dans les commissions hospitalières et, plus tard, en ambulatoire. C’est ce que nous connaissons déjà avec les agences régionales de santé. Les représentants d’usagers siègent avec leurs homologues des unions régionales des professions de santé et du médico-social dans la commission spécialisée des usagers (CSDU) pour participer à l’élaboration du projet régional de santé. Des membres de la CSDU intègrent également des commissions hospitalières.
Cette participation au soin et à l’environnement du soin, en structure ou en ambulatoire, traduit la volonté des décideurs de la démocratie sanitaire, mais aussi et surtout, du patient à se prendre en charge de sorte que nothing about me, nothing without me, ou comme on dit chez nous que rien ne se fasse sans moi. Lourde tâche qui pèse désormais sur la tête couronnée de sollicitations du patient.

Bernard Gautier (93)
D’après le colloque de la HAS, La dynamique du patient : innover et mesurer. ministère de la Santé, 16 novembre 2016.