L’hebdomadaire de la profession
pour les kinésithérapeutes

"Le vilain petit canard"

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24 janvier 2017

Votre courrier :

Le 29 novembre 2016, sous l’égide de la Chaire santé de Sciences Po Paris, un colloque sur les parcours de santé et de soins tentait de clarifier la situation entre ostéopathes, professionnels de santé ou non.

Cette Chaire santé favorise depuis dix ans les débats et la réflexion autour des questions de santé, stimule la recherche, diversifie le cursus de formation et construit des partenariats avec, entre autres, des associations.

C’est dans cet esprit que ce colloque présentait le fruit d’un an de travail. L’institution, représentée par un conseiller-maître honoraire de la Cour des comptes, recevait Ostéopathes de France, une association dirigée par un ancien kinésithérapeute, un professeur de médecine légale et droit de la santé, une asso-ciation de patients, une autre de sages-femmes, une ostéopathe chirurgien et une docteure en droit privé.

L’histoire de l’ostéopathie fut brièvement retracée :

- 1874 : Andrew Taylor Still ;
- 1917 : John Martin Little John ;
- 1957 : Paul Geny ;
- 6 janvier 1962 : arrêté qui interdit l’ostéopathie aux non médecins (les masseurs-kinésithérapeutes sont les premiers pénalisés) ;
- 4 mars 2002 : loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui reconnaît l’ostéopathie ;
- 25 mars 2007 : décrets d’application pour l’agrément des écoles et la formation des professionnels (4 860 h après le bac, 764 h pour les médecins, 1 937 h pour les sages-femmes et 1 599 h pour les masseurs-kinési-thérapeutes).

Depuis 2007, 27 800 ostéopathes ont obtenu le titre. Parmi eux, 16 000 post-bac, 9 000 masseurs-kinésithérapeutes, 2 000 médecins et 800 autres professionnels de santé.

Malgré une diminution, en 2016, du nombre d’écoles, le nombre d’étudiants a très peu baissé.

Cela entretient le dysfonctionnement d’un système qui forme onéreusement en cinq ans des professionnels dont très peu parviendront ensuite à vivre de leur titre.

Des pistes sont envisagées : l’université, l’espace européen, la coopération avec les professionnels de santé (mais le code de la santé publique délimite très clairement les compétences et responsabilités des professions inscrites). Les maisons de santé pluriprofessionnelles restent réservées aux professionnels de santé.

Il faut tenir compte aussi de la satisfaction des patients : 88 % selon un sondage Ifop, mais ce chiffre fond à 53 % compte-tenu de la faible prise en charge par les mutuelles.

L’ostéopathie est une profession de services qui s’inscrit non pas dans le soin, mais dans le parcours de santé. Et là, tout devient possible, proverbes à l’appui : en Angleterre, “quand on marche comme un canard, quand on parle le coin-coin comme un canard, on est un canard”. On met là le doigt sur la différence entre le droit coutumier et le droit écrit. Souvent, les faits précèdent la loi. Ce fut le cas pour l’ostéopathie, pratiquée pendant longtemps illégalement, jusqu’à la reconnaissance du titre en 2007.

L’avenir de l’ostéopathie passe par la qualité de la formation et la recherche. La première repose sur les conditions de sélection, qui doivent tenir compte des aptitudes intellectuelles, pratiques et humaines de l’étudiant, mais aussi anticiper les débouchés et l’exercice professionnel à temps plein. (…).

Nous sommes dans une époque de validation, de certification, d’evidence based practice… De toute évidence, les professionnels de santé sont les mieux placés, et en particulier les masseurs-kinésithérapeutes, par leur formation rigoureuse, leur approche de la personne tantôt en trouble fonctionnel, tantôt pathologique, leur pragmatisme mais aussi leur esprit de recherche et leur intégration dans le système de santé. Ils doivent absolument investir ce champ de l’ostéopathie dont ils ont été écartés, puis plongés dans une longue abstinence de 1962 à 2007, pour que rien dans ce domaine ne se fasse sans eux.

Bernard Gautier (93)

Réflexions à partir du colloque organisé par la chaire santé à Science Po Paris sur “la situation des ostéopathes à côté des professionnels de santé”, le 29 novembre 2016.