L’hebdomadaire de la profession
pour les kinésithérapeutes

"On peut toujours rêver..."

courrier-des-lecteurs

10 février 2017

Votre courrier :

Voici donc venue la saison des négociations conventionnelles. Mes chers représentants de ma profession, il est temps pour vous, armés de votre seule bonne volonté et la tête pleine d’utopies, comme l’accès direct ou une juste rémunération, d’aller affronter les représentants de l’assurance maladie, ces grands pourvoyeurs de clopinettes. Et cette fois, les pingres ont été clairs : “Vous n’aurez rien ! Ou si peu qu’on peut arrondir à rien”, auraient-ils clamé haut et fort, en préambule. Car chez ces gens-là, monsieur, la générosité ne se partage pas. Ils ont donné les sous aux médecins, déjà si mal traités, les pauvres, et nous ont réservé les mesures contraignantes.
Réfléchissons… Depuis des temps immémoriaux, remontant à l’invention du troc, la technique est toujours la même : proposer au client quelque chose qu’il désire, au prix le plus élevé possible. Je n’invente rien : la “marque à la pomme” commercialise depuis toujours sa camelote à vingt fois son prix de revient…
Qu’avons-nous à vendre qui ferait saliver la Sécu ? Notre liberté d’installation. Hou la ! Qu’ai-je dit là ? Toucher à la sacro-sainte liberté d’installation ? Celle qui ne nous rapporte rien, mais que je vois être défendue bec et ongles depuis toujours, au nom de l’activité (ultra)libérale ! Celle qui aboutit souvent à l’agglomération en grumeaux de cabinets de rééducation entourés de déserts kinésithérapiques ! Celle qui tourne le dos à la répartition de l’offre par rapport aux besoins de la population ! Celle qui va très bientôt créer des zones d’engorgement massif, le numerus clausus étant devenu une vaste blague depuis que les frontières sont ouvertes en Europe. Celle qui rend invendables les cabinets des confrères et consœurs qui partent à la retraite… Alors oui, vendons ce privilège empoisonné ! Mais vendons-le à un bon prix : une revalorisation sensible de la lettre clé ou une majoration des cotations.
J’ai pu lire récemment que cette liberté était un gage d’égalité entre régions et qu’il ne fallait pas en priver les générations futures, puisque les anciens en ont bénéficié (conservatisme, quand tu nous tiens !). Je pense plutôt que l’abandon de l’anarchie actuelle sera la garantie d’un flux de travail régulier pour les jeunes professionnels désireux de visser leur plaque, dans un contexte de démographie professionnelle inflationniste extrêmement inquiétante. (…)
Je me suis laissé dire qu’on aimerait nous inciter à pratiquer des bilans.
Et là, il me semblerait logique de répondre que nous adhèrerons à cette procédure quand les prescriptions ne seront plus quantitatives (environ 80 % des prescriptions le sont dans ma région).
En effet, si un prescripteur parvient à déterminer en combien de séances nous allons traiter son patient, il me semble que c’est parce qu’il a préalablement effectué ce fameux bilan, ce qui nous décharge du travail en question, tant dans sa version initiale, intermédiaire que finale, puisque dès le départ la messe est dite !
Mes chers représentants de ma profession, vous ferez donc au mieux, en notre nom à tous et en vous inspirant, je l’espère, des avis des uns et des autres. Avec toute ma sympathie  pour mes consœurs et confrères, d’accord ou pas avec ma façon de voir les choses, et mes sincères remerciements à Ka qui nous permet de nous exprimer librement dans cette rubrique.

Fred Loterie (59)