Entretien avec Thomas Prat : "Les revenus conventionnels sont la priorité de la FFMKR"
Sophie Conrard
- 14 octobre 2020
Un récent article que nous avons publié sur la croissance démographique exponentielle de la profession et l'avenir des séances au tarif conventionnel [1] a beaucoup fait réagir sur les réseaux sociaux. Tout y est passé : les syndicats ne servent à rien, ils préfèrent conseiller aux kinésithérapeutes de faire du hors Sécu plutôt que de demander une augmentation de la lettre-clé, les élus nationaux s'en mettent plein les poches [2], etc. Mise au point avec Thomas Prat, secrétaire général chargé de la vie conventionnelle à la FFMKR.
Kiné actualité : Dans la perspective de futures négociations conventionnelles, quelles sont les principales revendications de la FFMKR ?
Thomas Prat : Les revenus conventionnels sont la priorité de la FFMKR. Pas besoin de le crier sur tous les toits : c’est une évidence !
Pour y parvenir, l’augmentation de la lettre clé est la première possibilité. C’est la mesure la plus générale et la plus attendue pour tous les kinésithérapeutes. C’est pour cela que c’est notre demande n°1.
Mais actuellement, les tutelles ne font pas ce choix pour augmenter les professionnels. C’est dans tous leurs discours depuis des années ! La dernière augmentation pour notre profession avait pour contrepartie l’apparition d’une forme de régulation démographie (avenant 3 à notre convention), et depuis, plus rien ! Même l’avenant 5, à cause duquel cette régulation démographique est devenue effective, n’a pas permis d’obtenir une augmentation de la lettre-clé. C’est d'ailleurs pour cette raison que la FFMKR ne l'a pas signé.
Pourquoi est-il si difficile d'obtenir une augmentation de la lettre-clé ?
Faire croire qu'il suffirait de la demander pour l'obtenir est complètement démagogique.
Je crois au contraire que nous devons développer un argumentaire en béton. À la Fédération, nous travaillons actuellement pour trouver les leviers de cette augmentation. Mais il faut savoir que la Cnam en a peur car le nombre de professionnels augmente, et par conséquent, le nombre d’actes aussi. Donc la moindre augmentation de la lettre-clé aura un effet de masse important.
Pourtant, les besoins de soins augmentent aussi…
En effet, et il faut rappeler que la Sécurité sociale a été créée pour répondre aux besoins de soins des populations. Et je constate que malgré notre augmentation démographique, nous n’arrivons pas à répondre à tous les besoins sur le terrain. C’est ce que nous nous attachons à démontrer, avec l’aide d'une démographe en santé par exemple, qui sera présente lors des Assises que nous organisons la semaine prochaine [3].
Outre une augmentation du tarif conventionnel, quelles pistes propose la Fédération pour augmenter les revenus des kinésithérapeutes ?
Un autre moyen d’augmenter nos revenus, c’est de les sécuriser. Aujourd’hui, les professionnels ont peur des indus, et parfois sous-cotent leurs actes pour être tranquilles. Le système SCOR de scannérisation des ordonnances a permis une explosion des contrôles administratifs et des réclamations d’indus. Pire : l’avenant 5 a acté une refonte de la NGAP pour un meilleur suivi médico-économique. Ça n’ira donc pas en s'améliorant…
Cet avenant est signé, on ne peut plus s'y opposer. En revanche, à la Fédération, nous réfléchissons à ne pas lier la codification de l’acte à sa rémunération. Ainsi, moins de codes tarifaires, moins de risques d’indus ! En attendant, nous formons nos cadres syndicaux aux contentieux (une cinquantaine ont suivi notre formation en 2020) pour que les confrères ne se laissent pas faire face à des demandes d'indus parfois abusives. C’est aussi une manière de lutter pour l'amélioration des revenus des kinésithérapeutes.
Vous animez aussi la commission dédiée à la vie conventionnelle, pour exploiter d'autres pistes…
Nous travaillons sur tous les sujets qui peuvent nous apporter des améliorations conventionnelles : BDK, ROSP (prévu par l’avenant 5)… Cette commission vie conventionnelle est composée de 10 personnes, pour tirer le maximum des revenus conventionnels.
Pour autant, il existe d’autres façons d’améliorer la rémunération des kinésithérapeutes, comme l’action sur les charges, l’exercice non conventionné (tant décrié par certains…), et j’en passe. La force de la Fédération, c’est son collectif, qui permet de travailler dans la durée, sur plusieurs sujets, sans en négliger aucun.
[1] "Hausse spectaculaire du nombre de kinésithérapeutes en 20 ans : problème ou opportunité à saisir?", Kiné actualité n°1573 du 1er octobre 2020, page 49.
[2] A la FFMKR, les élus nationaux ne sont pas rémunérés. Ils perçoivent une indemnité pour perte de ressources lorsqu'ils consacrent une journée à la Fédération, et sont défrayés pour leurs billets de train ou d'avion lorsqu'ils sont amenés à se déplacer dans le cadre de leurs missions syndicales. Soyons clairs: il est bien plus rémunérateur de travailler dans son cabinet 5 jours sur 7 que de prendre des responsabilités syndicales.