Doctolib bannit les thérapeutes alternatifs
Sophie Conrard (avec APM news)
- 31 octobre 2022
D'ici 6 mois, il n'y aura plus de thérapeutes alternatifs sur la plateforme de prise de rendez-vous et de téléconsultation Doctolib. C'est ainsi que l'entreprise réagit à la polémique provoquée cet été par la découverte de naturopathes formés par des confrères accusés de dérives sectaires.
Fin août, Doctolib avait été vertement critiqué et interpellé par des ordres professionnels et des syndicats pour avoir référencé des personnes proposant des thérapies alternatives et de faux médecins. La société avait défendu sa position et suspendu plusieurs profils, puis annoncé l'ouverture d'une consultation sur les praticiens non réglementés.
Sa décision annoncée le 26 octobre est le résultat de cette consultation, qui a rassemblé pendant 6 semaines "une quarantaine d'acteurs", dont des conseils de l'ordre, des syndicats, des associations de patients, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), des représentants de professionnels du bien-être, ainsi que le comité médical de la société, composé de professionnels de santé bénévoles, explique Arthur Thirion, directeur France de Doctolib, interrogé par l'agence APMnews. Les autorités comme le ministère de la Santé "ont été tenues au courant" et apprécié la méthode, mais n'ont pas participé à la consultation.
Concrètement, cela veut dire que les 5 700 personnes exerçant des professions non réglementées seront retirées de la plateforme de Doctolib d'ici 6 mois, un délai contraint par les conditions d'abonnement de la société. Il s'agit essentiellement de naturopathes, sophrologues, hypnothérapeutes et psychanalystes. S'ils le souhaitent, ils peuvent quitter la plateforme avant ce délai, l'abonnement étant sans engagement, et "seront accompagnés par Doctolib sur la gestion des agendas, les données des patients, etc.".
Depuis septembre, ce type de professionnels ne pouvaient déjà plus s'abonner à la plateforme.
N° Adeli ou RPPS obligatoire
Désormais, pour s'inscrire sur Doctolib, les professionnels devront disposer d'un numéro Adeli ou RPPS (répertoire partagé des professionnels de santé). Rappelons qu'Adeli recense les auxiliaires médicaux, psychologues, assistants sociaux, ostéopathes, chiropracteurs et psychothérapeutes. Le RPPS rassemble les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues et les infirmiers. En 2023, tous les professionnels du secteur sanitaire, social ou médico-social seront rassemblés dans le RPPS et Adeli être mis hors service, conformément à la feuille de route gouvernementale du numérique en santé.
"Le bien-être répond à une demande des patients, il peut faire partie des parcours de soins", a fait valoir Arthur Thirion. "Mais il n'est pas encadré par les autorités, et il n'y a aucun moyen objectif et exhaustif de vérifier le niveau de qualification ou le droit d'exercer de ces personnes." De plus, "Doctolib est aujourd'hui identifié comme un tiers de confiance dans la santé", et cette décision, "courageuse pour une entreprise privée", "va dans le sens de sa mission et de son éthique".
Toutes les pistes ont été envisagées, mais face à l'absence de critères objectifs sur ces professions, Doctolib estime que "ce n'est pas à nous de les choisir sur des critères subjectifs".
L'impact économique "n'a pas guidé notre décision", a ajouté le directeur. L'abonnement mensuel au logiciel de gestion de rendez-vous de Doctolib coûte 129 €, auxquels il faut ajouter 79 € pour téléconsulter. La société revendique un total de 170 000 praticiens en France et 320 000 en Europe.
Un rapprochement avec les ordres
Par ailleurs, Doctolib a renforcé les procédures de vérifications de droit d'exercice et mis en place des "canaux directs" avec les ordres. Les professionnels s'abonnant à la plateforme aujourd'hui n'apparaissent pas avant que leur droit d'exercer ait été vérifié par Doctolib. Une trentaine de personnes travaillent sur ces questions.
La société reçoit "quelques dizaines de signalements par mois", dont "la moitié concernent le processus de prise de rendez-vous, l'accueil ou des retards", des sujets "à régler entre le patient et le praticien". En cas de problème, "il y a des remontées automatiques aux autorités, police, justice et aux conseils nationaux", mais "c'est assez rare". Doctolib dit avoir découvert 4 cas de fraude sur les 250 000 professionnels ayant utilisé sa plateforme depuis 10 ans.