Au boulot maintenant !
Sophie Conrard
Kiné actualité n° 1367 - 19/06/2014
“Les voyages forment la jeunesse”, dit-on. Pierre de Fourmestraux a été servi, après avoir vécu durant neuf mois à quelque 17 000 kilomètres de la métropole, en plein océan Pacifique. “Après l’obtention de mon diplôme, j’avais envie de découvrir une autre forme d’exercice de notre profession dans un endroit atypique, si possible à l’autre bout du monde”, explique-t-il. Les Antilles et La Réunion étant très largement plébiscitées, il opte pour la Nouvelle-Calédonie, a priori moins attractive.
Au bon vouloir des kinés titulaires
La fleur au fusil, il débarque en septembre 2013 à Nouméa après deux mois de remplacements à Paris, en compagnie d’un camarade de promotion. Sans travail ni logement, ils s’installent en auberge de jeunesse où, à leur grande surprise, ils rencontrent une très forte proportion de personnes dans leur situation, en particulier des infirmiers (environ 45 % des occupants de l’établissement). Commence alors un véritable parcours du combattant pour trouver où mettre en pratique leurs talents. Pierre de Fourmestraux dépose des CV dans tous les cabinets libéraux de la ville. “Il est difficile de trouver un poste en raison de la faiblesse de l’offre, d’autant plus que chaque kinésithérapeute titulaire a plus ou moins un remplaçant attitré”, raconte-t-il. Dans ce contexte, il regrette l’absence d’un Ordre en bonne et due forme, pour encadrer l’exercice. “Les titulaires y sont libres de faire à peu près ce qu’ils veulent et, comme la demande est forte, ils n’hésitent pas à exploiter les remplaçants en imposant des rétrocessions de l’ordre de 50 %, ou à instaurer des forfaits, avec des kinés payés à la journée et non plus en fonction de leur activité !”
Après une première expérience d’une semaine en hôpital, au service pneumologie, le Parisien gagne peu à peu en notoriété et enchaîne les missions, plus ou moins longues. Ce qui l’amène à aller travailler au sein de différentes tribus kanaks, notamment celle de Canala, au nord-est de la Grande terre (l’île principale de l’archipel) : “Ce fut un véritable choc culturel de côtoyer ces peuples dont on l’impression qu’ils ne vivent pas dans le même monde, le plus souvent sans eau courante, ni électricité, et sans technologies.”
Deux univers qui se côtoient
Faute de moyens matériels, il y pratique donc une kinésithérapie assez limitée, avec une dimension sociale très marquée : “Ils n’ont pas du tout la culture du corps, ce qui nous oblige à partir de zéro en leur expliquant comment fonctionne leur métabolisme et comment ils peuvent guérir. De fait, c’est à nous d’avoir un oeil sur la tribu et d’avertir le médecin en cas de besoin car ils n’ont pas du tout le réflexe de consulter. Par exemple, sur une plaie surinfectée, ils se contenteront d’appliquer des plantes médicinales, ce qui dégénère souvent de façon affreuse… Par ailleurs, l’alcool est omniprésent mais, à l’inverse de ce que nous connaissons en métropole, avec les campagnes de prévention, ils n’ont aucune conscience des risques de maladies métaboliques et de diabète associés, tout comme pour le tabac ou le marijuana. Et, là encore, c’est à nous de les éduquer.”
Revenu en métropole au printemps, où il est assistant collaborateur dans un cabinet du 12e arrondissement parisien, Pierre de Fourmestraux retient de son aventure calédonienne le souvenir d’un endroit où deux univers totalement différents se côtoient. Deux facettes qu’il a pu appréhender dans son exercice puisque, parallèlement à ses expériences tribales, il a souvent pris en charge des sportifs de haut niveau, notamment lors du 43e Tour de Nouvelle- Calédonie cycliste. Des souvenirs plein la tête, il se réjouit encore d’être parti : “Ce fut parfois difficile mais surtout très formateur. En tout cas, j’y ai vraiment trouvé mon compte !”
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