Mathieu Vergnault : «Une complémentarité nécessaire»
Jean-Pierre Gruest
Kiné actualité n° 1405 - 21/05/2015
Kiné actualité : Pourquoi organiser un tel événement ?
Mathieu Vergnault : Le milieu de l’activité physique adaptée (APA) est en pleine expansion, mais force est de constater une certaine méconnaissance de ce que cela représente, notamment sur le terrain. La Société française des professionnels en Apa (SFP-Apa) a souhaité organiser ce congrès pour mettre l’accent sur la façon dont les professionnels en Apa travaillent et sur la diversité de leurs pratiques dans le domaine sanitaire, social et médico-social, en vue de participer à la reconnaissance de la profession.
"Le renforcement musculaire, tout le monde en fait, mais différemment"
Il s’agit aussi de préciser ce qu’est vraiment l’Apa, un terme parfois galvaudé. En l’occurrence, un projet construit avec un patient en situation de handicap, par exemple, en fonction de ses besoins, sa motivation et ses capacités, afin qu’il puisse pratiquer une activité physique qui améliore sa qualité de vie et lui permette de gagner en autonomie. La SFP-Apa a d’ailleurs rédigé un référentiel métier pour expliciter ce qu’est un enseignant en Apa et à quelles problématiques il répond sur le terrain.
Comment s’explique cet attrait croissant pour les Apa ?
De nombreuses études ont prouvé leurs bienfaits. Elles sont aujourd’hui reconnues comme indispensables dans la promotion de la santé et la prévention. Cela s’est récemment traduit dans la loi de santé portée par Marisol Touraine, qui va autoriser les médecins à prescrire aux patients souffrant d’ALD des Apa selon leur pathologie, qui seront dispensées par des organismes labellisés par les ARS. De fait, et ceci bien avant la loi de santé, de plus en plus de structures (centres de rééducation, instituts médico-éducatifs, maisons d’accueil spécialisées, Ehpad, centres pénitentiaires…) intègrent des enseignants en Apa, qui y développent des programmes individualisés ou collectifs. Cette demande en forte croissance se traduit aussi à travers le nombre d’offres d’emploi diffusées chaque mois sur notre site Internet [2], qui a presque doublé ces cinq derniers mois.
N’avez-vous pas le sentiment de faire concurrence aux masseurs-kinésithérapeutes ?
On a tous entendu ce discours. Mais les choses changent progressivement, notamment du côté des jeunes masseurs-kinésithérapeutes. Peut-être parce que les enseignants en Apa présentent mieux notre métier et notre façon d’appréhender les différentes prises en charge, en toute complémentarité. Cette réticence tient à mon avis à un manque d’informations, d’où la nécessité d’“éduquer” les autres professionnels et leur montrer comment on peut travailler ensemble, en bonne intelligence, vers un même objectif. Par rapport à la prise en charge d’une personne souffrant d’une maladie chronique, par exemple, nous allons davantage nous préoccuper de la dimension participation sociale, de l’éducation thérapeutique, du renforcement global ou fonctionnel, du plaisir que va procurer l’activité physique, alors que le kinésithérapeute va plutôt utiliser le renforcement musculaire analytique ou la gymnastique médicalisée. Le renforcement musculaire, tout le monde (Apa, kinés, ergothérapeutes…) en fait, mais différemment. Avec une approche, une pédagogie et une didactique spécifiques à chacun.
Je pense que cette complémentarité est nécessaire dans un univers de la santé où on se rend compte, de plus en plus, que l’interdisciplinarité est essentielle pour le bien-être du patient. Un message que je m’efforce aussi de porter lors de conférences via le Groupe d’études et de recherches appliquées à la rééducation (Gerar) [3], que j’ai créé avec deux masseurs-kinésithérapeutes, Nathanaël Shahmaei et Anne Ayala.
[1] Programme sur cnp-apa.sfp-apa.fr
[2] www.sfp-apa.fr
[3] le-gerar.blogspot.fr
© D.R.