L’hebdomadaire de la profession
pour les kinésithérapeutes

"Entreprendre en prévention"

courrier-des-lecteurs

22 juin 2015

Votre courrier :

À la lecture de l'article paru dans le Ka n°1407 (p. 14 à 17), il me semble utile de porter un certain nombre de précisions à l'attention des nombreux confrères qui sont dans la prévention en entreprise, ou qui ont l'intention de s'y lancer. Pour cela, je les encourage.
Rappelons que le monde du travail est régi par le code du travail, que ce soit en matière de santé au travail, de formation professionnelle, de prévention des risques professionnels, pour des règles claires qui s'adaptent en fonction de l'évolution de la société.
Ceci étant, tout acteur qui voudrait proposer des services au monde du travail, et plus singulièrement à l'attention des salariés, doit se poser une question préalable : quelles sont ces règles, que dit la réglementation ? D'autant que en tant qu'intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP), il est recommandé de se faire enregistrer à la Direccte [1], ce depuis le 1er juillet 2012, suite à la loi du 20 juillet 2011 relative à l'organisation de la médecine du travail, modifiant le code du travail. Le diplôme de masseur-kinésithérapeute, comme ceux de tous les professionnels de santé, suffit et il n'est pas nécessaire d'avoir une compétence (attestation) de préventeur pour être enregistré en tant qu'IPRP.
La prévention des risques professionnels (PRP), car c'est de cela qu'il s'agit, est une obligation qui est assignée aux employeurs dans la loi du 31 décembre 1991 dans les articles L-4121-1, 2 et 3. Le ministère du Travail a donné une feuille de route au réseau national de prévention pour mieux structurer la PRP en redéfinissant les valeurs, les objectifs et la méthodologie qui doivent amener les entreprises à être autonomes en matière de démarche de prévention. Et donc à avoir des compétences internes.

"Il faut adapter le travail à l'homme et pas le contraire"

Ceci implique une démarche projet, un accompagnement, des compétences certifiées et une habilitation pour des questions de bonne pratique, et surtout un langage commun tout en laissant une liberté pédagogique à chaque organisme de formation habilité. Ceci étant, comme toute mission de service public et de santé publique, il y a un mécanisme de contrôle de qui fait quoi, avec qui et quoi, qui se fait par le biais d'un dispositif informatique. L'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) est chargé de l'animation du dispositif, qui concerne plusieurs risques (activité physique, risques psychosociaux, amiante, évaluation des risques professionnels).
Le rôle du préventeur est aussi d'apporter les bonnes informations à l'entreprise concernant les enjeux réglementaires, car le dispositif informatique national renseigne à l'instant T des actions de PRP qui sont menées et assure un suivi des salariés formés, des entreprises qui agissent et des OF et formateurs qui fabriquent des compétences à la prévention des risques et à la sauvegarde de la santé de chaque salarié.
L'article est très pragmatique dans la dynamique du lancement des kinésithérapeutes dans la prévention en entreprise. Mais il reste que, nonobstant la représentation que nous nous faisons de la prévention en entreprise, il est essentiel de prendre en compte le point 4 de l'article L-4121-2, concernant les principes généraux de prévention, qui stipule qu'il faut adapter le travail à l'homme et pas le contraire. Faut-il faire une comparaison entre un dispositif réglementaire initié par le ministère du Travail et un autre, non réglementaire, initié par la profession ? Il est pourtant prouvé que l'apport de la kinésithérapie dans la démarche de prévention en entreprise, au titre de la réparation physique, constitue un atout eu égard aux compétences biomédicales et éducatives nécessaires à la prise en charge des patients travailleurs.
Enfin l'article montre que se lancer dans la prévention en entreprise est une véritable "entreprise", qui nécessite des compétences dans plusieurs domaines et qu'il est donc fortement recommandé de s'informer, puis de se former. Ainsi nous pourrons véritablement entreprendre en prévention avec tout ce que cela comporte.

Pierre-Alain Lollia
Kinésithérapeute préventeur, formateur de formateurs en PRP certifié, doctorant en SDE, Prévention des risques.

[1] Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.