"L'arnaque"
20 janvier 2016
Votre courrier :
La régionalisation avec sa déclinaison en santé développe depuis cinq ans la démocratie sanitaire. C’est un mode de fonctionnement basé sur la participation de l’ensemble des acteurs. Les usagers côtoient les praticiens du public comme du privé, les libéraux, les responsables d’établissements, les syndicalistes, l’assurance maladie, les politiques. Chacun se doit d’écouter l’autre pour construire ensemble le territoire de santé développé dans le projet régional de santé. Ainsi, l’écoute, la réflexion et l’action motivent l’ensemble des acteurs.
Au niveau national, gouvernement, députés et sénateurs s’intéressent également à la santé, à tel point qu’ils veulent l’inscrire dans une loi. Après quelques allers-retours entre l’Assemblée nationale et le Sénat, la loi de modernisation du système de santé a finalement été votée en décembre 2015, alors que la concertation et le dialogue avec les professionnels de santé n’existent pas. La communication est verticale et, comme la pluie, elle vient d’en haut.
Évidemment, l’idéologie ne permet pas l’échange. Pour s’imposer en l’état, elle doit éviter l’écoute et le dialogue. Dès lors, la tour d’ivoire est la meilleure place pour imposer les directives et se protéger des critiques.
Avec le tiers payant généralisé, l’heure est à l’égalitarisme financier. Les riches qui voulaient payer leurs soins, avaient conscience de l’importance de l’acte dont ils bénéficiaient. En retour, ils voulaient l’honorer. Ils pensaient que cette étroite relation entre celui qui donne et celui qui reçoit passait par une monnaie d’échange : le paiement à l’acte.
Et bien, non. Désormais les riches feront comme les pauvres : ils ne payeront plus leurs soins, mais continueront d’acheter leur pain, leur viande et leur poisson. Les accidentés du travail, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle ou de l’aide médicale d’État se sentiront ainsi moins isolés ! Leur minorité va se transformer en majorité absolue.
Au final, on nous fait croire aux vertus de la démocratie sanitaire régionale à laquelle nous participons par les Unions régionales des professions de santé (URPS) et, en même temps, on nous impose un égalitarisme financier qui, paradoxalement, va entretenir les inégalités sociales…
Cette tromperie, cette arnaque entraînent un dégoût de la part d’une majorité d’entre nous. On ne peut pas raisonnablement prôner la démocratie sanitaire et développer le totalitarisme égalitaire. Serait-ce le dégoût, générateur de désintéressement, qui a conduit 80 % de nos confrères et consœurs à s’abstenir aux élections professionnelles des URPS ?
Souhaitons que les 20 % qui se sont exprimés puissent être écoutés. La loi est votée, certes, mais les décrets d’application ne sont pas encore parus. Espérons qu’ils ne soient pas tous à paraître en 2016.
Très bonne année !
Bernard Gautier (93)