"Camouflet"
3 février 2016
Votre courrier :
La plus haute juridiction française vient de rendre sa décision sur la loi de santé, et plus particulièrement sur la généralisation du tiers payant (TP). N’en déplaise à madame la ministre de la santé, c’est bel et bien un camouflet qui vient d’être infligé au gouvernement. Un revers tant sur le dispositif lui-même que sur les règles juridiques mises en exergue par le Conseil constitutionnel (CC).
La généralisation du TP n’était certes pas la seule mesure de ce pavé législatif de 227 articles, mais elle a cristallisé l’attention.
Suite à la décision du CC, la ministre s’est “réjouie de la validation par les sages de la quasi-totalité de la loi” et elle a eu raison ! Quelle gageure de ne voir que quatre dispositions déclarées contraires à la Constitution dans cette loi encyclopédique. Seulement quatre, mais voilà, parmi les quatre il y a celle sur la généralisation du TP, mesure phare du gouvernement qui voulait voir les patients consulter les professionnels de santé sans bourse délier. Le CC en a décidé autrement.
Juridiquement, la “sanction” du CC était inéluctable. Les sages ont constaté que le remboursement des professionnels de santé par le régime général était encadré par cette loi, alors que le remboursement par les régimes complémentaires ne l’était pas. Le gouvernement aurait dû prévoir des dispositions législatives et par cet oubli (pour ne pas dire incompétence) majeur, il voit le tiers payant (pour les dépenses remboursées par les complémentaires santés) déclaré inconstitutionnel. Le CC sanctionne le gouvernement en lui reprochant de… “méconnaître l’étendue de sa compétence” !
Avec cette décision, le TP ne deviendra un droit, au 30 novembre 2017, que “pour la partie remboursée par la sécurité sociale”, soit 15,10 € pour une consultation chez le médecin à 23 €, pour prendre un exemple courant. Le patient devra payer à son médecin les 6,90 € manquants (part de la complémentaire santé et la franchise). Le dispositif du TP généralisé est donc vidé de son sens et de son utilité.
La confiance envers les professionnels de santé aurait dû primer, car s’il ne faut pas nier l’existence du renoncement aux soins et de ses dangers, force est de constater que pas un seul professionnel de santé n’encaisserait un chèque si son patient lui demande un petit délai lui permettant d’être remboursé.
Enfin, je trouve cocasse de voir le CC expliquer au gouvernement qu’il méconnaît ses propres compétences et que, quelque part, il n’a pas assez travaillé…
C.P. (94)