"Physiothérapeutes, vraiment ?"
16 février 2016
Votre courrier :
Je réagis à l’enquête de la FFMKR “Kinésithérapie et spécificités” qui, en point 12, jauge l’intérêt de la profession pour le changement du titre de masseur-kinésithérapeute en physiothérapeute. Bien qu’elle nous interroge à ce sujet, la FFMKR semble avoir déjà fait son choix.
En vertu d’une harmonisation internationale, certains voudraient devenir des physiothérapeutes. Pourquoi vouloir s’angliciser à tout prix ? En France, tout le monde connaît le kiné, le mot kinésithérapie est compris de tous, et son étymologie nous parle : soin du mouvement (pour certains, par le mouvement), n’est-ce pas un résumé valorisant de notre activité ? A contrario, pour les kinésithérapeutes comme pour les médecins qui la prescrivent, la physiothérapie correspond à un champ circonscrit de notre activité : l’utilisation de techniques et matériels adjuvants (électrothérapie, ultrasons, cryothérapie, thermothérapie, etc.). On voudrait donc remplacer notre nom par celui d’une technique restrictive.
Chaque langue a ses propres termes ; en français, physiotherapist se traduit par kinésithérapeute, l’un n’a pas plus de valeur que l’autre, ce sont juste deux langues différentes. Va-t-on décider d’appeler les chirurgiens des surgeons ? Les médecins généralistes des physiciens (physicians) ?
Questionnons le réel intérêt d’une telle évolution : la pratique de la kinésithérapie reste extrêmement nationale, puisqu’il faut (ou du moins faudrait) une parfaite connaissance de la langue pour avoir la prétention de comprendre un problème et espérer le résoudre. Pourquoi donc avoir besoin d’un mot plus international ? Ce ne peut pas être pour la recherche scientifique : si on publie dans une revue internationale, on publie en anglais et on emploie les mots appropriés. Les disciplines scientifiques classiques, comme la chimie, n’ont pas eu besoin de transformer leur vocabulaire français pour être largement plus evidence-based que le sera jamais la kinésithérapie.
J’ai exposé mes arguments, à chacun d’avoir son avis et il est bénéfique que le débat soit posé. Ce sujet sera justement le thème des prochaines Assises de la FFMKR : De la kinésithérapie à la physiothérapie – notre défi pour une harmonisation internationale. Quel dommage que la formulation implique un débat déjà clos ! Le questionnaire cité plus haut évoque une évolution “à l’instar de toutes les autres grandes nations”. Je suis choqué que la concertation soit biaisée de la sorte. Ces façons de présenter le débat laissent penser que la FFMKR a déjà statué en faveur des physiothérapeutes. La consultation devrait être impartiale et la position de la FFMKR ne devrait pas être tranchée avant que les représentants syndicaux aient pu faire remonter la position de leurs bases.
L’harmonisation concerne les techniques, les bilans, les recherches, les pratiques... Pas un simple nom, pas une traduction basique !
Guillaume Plazenet, secrétaire général du SMKR 93
Réponse de la rédaction :
La réponse de Daniel Paguessorhaye, président de la FFMKR. Sans rejouer la querelle des Anciens et des Modernes, le choix entre “masseur-kinésithérapeute” et “physiothérapeute” est au cœur de nombreux débats. L’exception culturelle française est une chose. Mais l’isolationnisme, sur une scène internationale en perpétuelle évolution, est dangereux. Dans toutes les rencontres internationales, tous les pays optent progressivement pour la dénomination “physiothérapeute”. Le dernier pays à l’avoir fait est la Suède. Le problème est que le terme kinésithérapeute va finir par correspondre à la définition d’une profession dont les compétences seront inférieures à celles des physiothérapeutes. Nous devons éviter cela à tout prix. Mais le débat reste ouvert, comme toujours à la FFMKR. Rien n’est arrêté. Rien n’est décidé à l’avance. Cela fera effectivement partie des nombreux débats que nous aurons au cours de nos Assises à Brest, les 18 et 19 juin 2016. |