Un DE qui passe mal…
3 mars 2016
Votre courrier :
Bonjour Kiné actualité, tranquillement installé pour regarder les informations le 8 février sur M6 à 19h45 et alors que la tempête sur la façade Atlantique montre de superbes images, c’est un peu plus loin que je me suis étranglé. Le journaliste Xavier de Moulins introduit le reportage suivant par “les médecins passent aux 35h, ce qui porte la consultation entre 26 et 33 € [contre 23 € actuellement] en toute légalité. Rendez-vous en région Bretagne, près de Lorient.”
Une affiche dans la salle d’attente d’un cabinet médical indique que “les tarifs conventionnels seront pratiqués de 9h à 17h du lundi au vendredi. En dehors de ces plages, y compris le samedi matin, un DE (dépassement exceptionnel) peut-être appliqué (sauf CMU, ALD, AT…)”. Et la médecin interviewée de préciser : “Pour faire une médecine de qualité, on n’a pas le choix. Pour s’en sortir certains confrères font 70h par semaine.” La voix off du reportage indique que “c’est aux mutuelles de rembourser la différence”, puis de préciser que “le dispositif, selon les médecins, est légal car leur statut libéral les autorise à fixer les horaires d’ouvertures et d’appliquer un DE”.
Le reportage s’achève en précisant que “la Caisse nationale d’assurance maladie n’a pas souhaité répondre et que le mouvement s’étend en régions bordelaise, parisienne et dans la Loire”.
La convention médicale est limpide. Les médecins de secteur 1 pratiquent les honoraires fixés dans la convention, base du remboursement par l’assurance maladie. Il n’est pas autorisé de les dépasser sauf, à titre exceptionnel, pour exigence particulière du patient (en cas de circonstances exceptionnelles de temps ou de lieu dues à une exigence spécifique du malade, par exemple). On parle dans ce cas de DE (pour dépassement exceptionnel). Dans ce cas, et uniquement dans ce cas, le praticien peut facturer un montant supérieur au tarif opposable uniquement pour l’acte principal effectué, et il doit fournir au patient les informations nécessaires quant à ce supplément.
Force est de constater qu’ici, cette tarification n’est pas légale car les conditions ne sont pas respectées. Qu’a exigé particulièrement le patient sinon de venir se faire soigner… à 17h10 ?
Partons du postulat (très large) qu’un médecin reçoit quatre patients par heure. Il travaille au moins jusqu’à 20h. Dans ce cas, il engrange entre 36 € et 120 € supplémentaires par jour. Et s’il travaille 4h le samedi, il ajoute entre 228 € et 760 € supplémentaires par semaine. Soit de 912 € à 3 040 € supplémentaires par mois (ça laisse songeur) auxquels s’ajoutent bien entendu toutes les tarifications conventionnelles. Sans parler du médecin qui débute à 8h du matin. Inadmissible car c’est le patient qui paiera. La plupart des complémentaires santé ne prendront pas en charge ce DE, sauf à avoir un bon contrat de couverture… ce qui n’est plus le cas depuis la mise en place de l’ANI qui a imposé la mutuelle obligatoire pour tous les salariés (mais c’est un autre sujet).
Fort dommage que la CNAM ait refusé de s’exprimer ! Ça en dit long sur les préparatifs de la future convention médicale. Il y a quelques mois, les médecins exigeaient la consultation à 25 € alors que toutes les études démontrent qu’un médecin touche non pas 23 € mais plus de 31 € par patient (une fois tous les forfaits et autres appliqués). Dorénavant, nous en sommes à un minimum de 26 € (hors tout).
Qu’un masseur-kinésithérapeute tente le coup de faire pareil et il aura immédiatement la CPAM sur le dos… Réagissez, mesdames et messieurs des CPAM, ne nous démontrez pas qu’il y a deux poids deux mesures ! Ou peut-être estimez-vous inutile d’agir puisque que le DE n’est pas remboursé par la Sécurité sociale ?…
Léo Laurent (94)