"N’est-ce pas oser, d’oser ?"
9 novembre 2017
Votre courrier :
Faut-il oser l’accès direct ? Mais dans quelle direction aller ? Du patient vers le praticien ou du praticien vers le patient ?
C’est le défi qu’a relevé Raphael ENTHOVEN le 21 septembre 2017 lors du colloque organisé par le Conseil National de l’Ordre des Masseurs Kinésithérapeutes (CNOMK) intitulé « Osons l’accès direct ».
La profession demande à ce que les patients puissent avoir un accès direct aux praticiens. Il est en effet logique que le masseur Kinésithérapeute (MK) puisse examiner et traiter en première intention un patient qui souffre de sa cheville, et qu’à la suite de son bilan diagnostic kinésithérapique (BDK) il puisse en apprécier la gravité, commencer à traiter la personne et au moindre doute l’envoyer passer une radio. De même pour le bébé qui est encombré, le MK peut commencer de traiter. Dans les deux cas, avec son BDK, le patient consulte ensuite le médecin. Cette évolution dans la prise en charge résulte des situations de terrain, de l’amélioration des connaissances, de la prise de conscience et de l’action de nos organismes professionnels, tout ceci se traduit dans la réforme des études en 1+4ans. L’évolution des pratiques coïncide bien sûr avec celle de responsabilité et de prise de risque. Mais y a-t-il liberté sans responsabilité ?
Le philosophe et professeur de philosophie, Raphael ENTHOVEN, se glisse dans la peau du patient ignorant de la matière médicale, mais très sensible au ressenti qu’il éprouve vis-à-vis de l’acte thérapeutique. Il raconte sa propre expérience de rééducation post fracture du poignet et le contact empathique, dans un main à main praticien-patient, qui dépasse le simple contact tissulaire localisé car, dit-il, « je ne suis pas qu’un segment isolé du reste de mon corps, mais un être entier, global ». En conséquence, toucher un membre revient à toucher l’ensemble de l’être, y compris sa sphère émotionnelle. C’est cela qui est touchant. Le praticien a l’accès direct au patient.
Cette vision philosophique de la relation patient –praticien est très proche de la réalité physiologique. L’individu est unique dans sa constitution et par conséquent, il est vain de le découper, le segmenter, le fractionner, sauf nécessité médicale. Mais ce sera pour lui permettre de retrouver son intégrité.
Toucher la main de quelqu’un déclenche à partir des récepteurs cutanés un message sensitif transmis au cerveau. Ce dernier, immense réservoir de neurones corrélés à des chiffres astronomiques car il s’agit de cent milliards de neurones possédant chacun mille à dix mille connexions, et bien, dans cette structure exceptionnelle, tout l’être s’y retrouve en intégralité : souvenirs, sensations, émotions, motricité, métabolisme, bien être et maladies.
Voilà pourquoi il est si important de toucher la personne et pour le masseur kinésithérapeute de masser et mobiliser. Là, est l’accès direct philosophique pour les uns, thérapeutique pour les autres. Finalement, n’est-ce pas complémentaire ?
Les textes sont écrits, sans philosophie, selon les données du moment et les forces en présence. C’est la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 qui nous propulse dans l’accès direct, partiel certes car seulement en cas d’urgence et en l’absence d’un médecin, mais direct tout de même selon le code de santé publique dans l’article L.4321-1.
Alors, est-ce vraiment oser, d’oser ?
Bernard GAUTIER