L’hebdomadaire de la profession
pour les kinésithérapeutes

"Et tic, et tac !"

courrier-des-lecteurs

6 février 2018

Votre courrier :

Et tic, éthique et tac et tic, tactique. Quelle est la tactique de l’éthique ? Ce dont elle se rapproche, mais qu’elle n’est pas : la morale, comme réponse précise à une situation de société comme “tu ne tueras pas, tu ne voleras pas”, mais aussi la déontologie, cet ensemble de règles auxquelles une profession doit se conformer.

La tactique de l’éthique tient dans son questionnement. Questionnement de l’homme sur lui-même et son devenir. L’homme n’est-il qu’un corps ? Auquel cas, s’il en manque une partie, devient-il diminué pour autant ? Une amputation, une paralysie, un handicap diminuent-ils son humanité ? Malgré leurs déficiences, le compositeur Beethoven, le peintre Toulouse-Lautrec ou encore le pianiste Michel Petrucciani sont restés eux-mêmes : des créateurs.

L’homme a en plus un esprit. Son intelligence et ses sentiments l’entraînent à toujours mieux faire. Il améliore ainsi sa condition. Mais il y a parfois des pertes d’humanité, par exemple dans les conflits mondiaux. Ces violentes phases de déconstruction engendrent le besoin de reconstruction. L’homme cherche alors à se dépasser et même à “s’augmenter” en s’orientant vers des voies nouvelles. C’est la pénétration de cet immense territoire de l’intelligence artificielle qui l’absorbe et l’entraîne dans l’univers d’algorithmes. Le mouvement est tellement rapide qu’il infiltre la quasi-totalité du quotidien, de la génétique à la vie sociétale.

Les 22 000 gènes deviennent séquençables. On peut remplacer un gène défaillant par un gène sain. Mais éthiquement, qu’en sera-t-il quand il faudra remplacer un gène moins performant par un gène plus performant ?

Peut-on réduire l’individu à ses gènes ? La nature nous laisse à l’état sauvage, à l’état de “l’enfant sauvage”. La société vient valoriser l’expression de notre devenir. Le lien social permet donc ce développement.

Dans le rapport praticien-patient, le lien n’est pas artificiel. Même s’il s’appuie et s’appuiera davantage encore sur des machines qui digèrent des milliards de données et facilitent la mise à jour des connaissances et diagnostic, ce lien restera, avant tout, humain.

Il faudra questionner souvent cette évolution de l’intelligence artificielle qui, bien qu’initiée par l’intelligence humaine, ne doit pas lui échapper.

N’est-ce pas le rôle de l’éthique, la tactique de l’éthique que d’interroger en permanence ?

 

Bernard Gautier (93) - D'après une intervention de Jean-François Mattéi au café Nile, à Paris, le 17 janvier.