"Continuer de soigner ou pas"
6 mai 2020
Votre courrier :
(...) Mon métier je ne l’ai pas choisi, il est le fruit du hasard d’un parcours étudiant. Pour autant, je n’ai jamais regretté de l’exercer. Sa dimension humaine m’a toujours comblé. Je ne peux donc concevoir aujourd’hui de suspendre totalement mon exercice et laisser mes patients les plus précaires se dégrader. Le CNO a demandé la fermeture des cabinets (alors que la Direction générale de la santé ne l’avait pas requise) mais les soins au domicile n’ont jamais été proscrits. La notion de soins urgents a rapidement fait place à celle de soins non reportables, c’est-à-dire dont la non-réalisation entraînerait une dégradation irréversible. Tel est le cas des quelques patients que je continue à suivre (SEP, SLA, mucoviscidose, traumatologie fraîche), en respectant bien entendu les recommandations : port du masque, gants, surblouse, lavage systématique des mains...
Le télésoin, sujet à la mode, ne remplacera jamais la plupart des soins kinésithérapiques. Notre présence, notre palpation, notre vision de l’environnement complet dans lequel évoluent nos patients n’y ont aucune place. Sauf à vouloir que notre discipline suive le mouvement global de la médecine vers une déshumanisation des soins. (...)
C’est le bon sens qui doit nous guider. Les médecins, pharmaciens, infirmiers, aide-soignants, brancardiers, ambulanciers... continuent à travailler parce qu’ils sont indispensables. Nous le sommes aussi pour un petit nombre de nos patients, et ne serons pas plus délétères en termes de propagation du virus si nous nous protégeons convenablement. En parfaite conscience et sans arrière-pensée (ni financière, ni d’ego mal placé), je continue donc à prendre en soins mes patients les plus fragiles.
Jean-Louis Rassat-Cazes (46)
Courrier paru dans le KA1565 du 7 mai 2020.