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Jacques Vleminckx, ancien président charismatique de la FFMKR, est décédé

Au congrès d'Angers en 2009.

Sophie Conrard
- 26 mars 2019

Jacques Vleminckx est décédé le week-end dernier à l'âge de 88 ans. Engagé très tôt dans l'action syndicale, il a marqué l'histoire de la FFMKR, dont il a été le président pendant 15 ans. Jusqu'au bout, il s'est tenu au courant des dossiers de la profession, la grande passion de sa vie.

Né en 1930, Jacques Vleminckx a décroché son diplôme de masseur-kinésithérapeute en 1952. Au début de sa carrière, il adhère à l'avant-gardiste Société française de psycho-prophylaxie (qui n'existe plus aujourd'hui) et crée un cercle d'études sur l'accouchement sans douleur. En parallèle, il donne des cours de législation à l'IFMK de Berck.

Puis vient un tournant dans sa vie professionnelle : en 1960, il adhère au syndicat du Pas-de-Calais, dont il prendra la présidence 3 ans plus tard. Puis il s'engage au niveau national, devenant conseiller fédéral puis secrétaire général chargé de la Sécurité Sociale de 1968 à 1974. Un poste clé.

En 1975, il est élu vice-président de la FFMKR, aux côtés de Jean Boudot, avec qui il formera "un binôme incontournable" durant des années, raconte Gérard Colnat, qui fut proche de lui, à titre professionnel et personnel. "Pendant 15 ans, ils seront de toutes les négociations, de toutes les réunions au ministère." Jacques Vleminckx a présidé la FFMKR de 1978 à 1994.

En juin 1980, l'amendement Besson autorise les "techniciens thermaux" à pratiquer la gymnastique médicale et le massage. La FFMKR obtient que cette mesure soit transitoire et limitée à l'établissement d'Aix-les-Bains.

"En 1981, le SNMKR signe pour un tarif clinique dévalué de 20 %. Sous l'impulsion de Jacques Vleminckx, la FFMKR s'est battue (avec succès) pour récupérer le plein tarif", raconte François Maignien, qui lui a succédé à la présidence de la FFMKR et dont il était l'ami. "Il s'est battu aussi pour l'autonomie de la profession. Nous avons failli parvenir à un accord avec l'État mais en contre-partie, on nous imposait des contraintes financières trop importantes, donc nous avons refusé l'accord."

Réunion dans le bureau du ministre des Affaires sociales et de la Santé, Jacques Barrot, en 1995.De droite à gauche : Gérard Colnat, Jacques Vleminckx, François Maignien, Jacques Barrot, sa conseillère santé et Jean-Paul David.

Les négociations conventionnelles de 1993 sont pour lui un succès : "Nous n'avions pas eu d'augmentation tarifaire depuis des années, et à cause de l'inflation, nous perdions une partie de nos revenus chaque année. Une petite partie de la profession s'en sortait bien, mais la plupart des cabinets vivaient très mal. Il fallait que nous réussissions à trouver une façon d'augmenter nos revenus. Banco : la Sécu a dit oui, à condition de mettre en place un plafond d'efficience" [1]. Le sujet divisait profondément la profession. C'est la raison pour laquelle la FFMKR organise à cette occasion, pour la première fois de son histoire, un référendum parmi ses adhérents pour savoir s'ils souhaitent que la FFMKR signe ou non le projet de convention. Le oui l'emporte d'un cheveu. "Ça valait le coup : nous avons obtenu une revalorisation à 2 chiffres !", souligne François Maignien.

Tourné vers l'interpro et l'international

"Jacques Vleminckx fut très tôt convaincu de l'intérêt de travailler en interpro. Il était très actif au sein du CNPS, dont il a été le vice-président pendant un temps, et il a beaucoup œuvré pour la reconnaissance des paramédicaux", raconte François Maignien.

Également investi sur le plan international, Jacques Vleminckx "a permis à la France d'intégrer la WCPT dans les meilleures conditions. Avec Jean Boudot, ils représentaient le pays de façon très active et positive. Proches de leur homologue anglaise ou encore espagnol, entre autres, avec qui ils entretenaient des relations suivies, ils voyageait beaucoup pour participer à tous les travaux. Du coup, lorsqu'ils arrivaient au ministère de la Santé pour défendre la cause de la profession en France, ils avaient de quoi argumenter et ils étaient pris très au sérieux", se souvient Gérard Colnat.

Discussion avec Philippe Douste-Blazy, qui fut ministre de la Santé en 2004 et 2005.

Une fois François Maignien élu président, en 1994, Jacques Vleminckx s'est impliqué dans la création de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes. "Il avait un réseau puissant et a fait beaucoup de lobbying. Il voulait absolument que notre profession soit dotée d'un ordre, pour franchir une étape supplémentaire vers plus d'autonomie", explique François Maignien.

Il a aussi été administrateur à la Macsf pendant de longues années. Le 22 janvier 2003, il est nommé membre du conseil de surveillance de la Cnamts, au nom du CNPS. Le 14 juillet 1999, il devient président d'honneur de la FFMKR.

Un charisme impressionnant

Ceux qui l'ont connu se souviennent de "sa stature impressionnante et son regard parfois glacial, qui ne laissaient pas d'emblée deviner qu'il avait le cœur sur la main", résume François Maignien. Direct, il disait ce qu'il avait à dire sans prendre de pincettes. "En congrès, les gens ne montaient pas à la tribune pour ne rien dire ! On avait intérêt à avoir préparé nos interventions…" "Brillant, il était aussi un homme très chaleureux", souligne Gérard Colnat qui, plus jeune de 10 ans, le voyait comme un modèle. "Je me disais toujours : j'espère que j'aurai les mêmes capacités intellectuelles quand j'aurai le même âge que lui…" Il était impressionnant "lorsqu'il montait à la tribune pour faire un discours face à un public pas toujours conquis, parfois irascible. Il savait comment emporter l'adhésion, comment montrer que le bureau avait agi dans l'intérêt de la profession. Il était capable de maîtriser tout un congrès !".

"Homme de dossiers plutôt que harangueur de foule, Jacques Vleminckx avait compris l'importance des lobbies et disposait d'un réseau solide. Il avait l'oreille des ministres", se souvient François Maignien, dont il était "le mentor". "Je suis entré à la FFMKR parce qu'il est venu me chercher (avec Jean Boudot). À l'époque, j'étais un gamin. Il m'a confié le secrétariat général à la kinésithérapie du sport. Puis celui de la retraite, ce qui m'a surpris, sur le coup… C'est lui qui m'a formé à la prise de responsabilités au sein de la FFMKR."

Au congrès de Rouen, en juin 2013.

"C'est une page prestigieuse de l'histoire de notre profession qui se tourne", estime Didier Paquier, un confrère lyonnais. D'autres regrettent déjà "un homme qui avait la classe, comme on n'en voit plus beaucoup". "C’était un homme consensuel et rassembleur qui a œuvré pour la profession tout au long de ses années de syndicaliste. Je me souviens, au congrès d’Avignon en 1979, de sa demande officielle devant le ministre de la Santé (Jacques Barrot) de laisser aux kinésithérapeutes l’autonomie d’évaluer eux-même le quantitatif des séances prescrites (que nous n’avons obtenue qu’en 2000)", raconte Jean-Francis Roux, kinésithérapeute à Megève. "J’ai eu la chance de travailler et de partager avec lui au conseil fédéral avant qu’il ne passe le flambeau à François Maignien en 1994. Il me laissera le souvenir d’un homme bienveillant et courtois qui ne mâchait pas ses mots et ne perdait jamais de vue les objectifs ambitieux qu’il s’était fixés pour la profession."

La FFMKR et l'ensemble du personnel de la Maison des Kinés, à Paris, ont une pensée pour son épouse, Colette, sa famille et ses proches et s'associent à leur peine.

[1] Il correspond à l'ensemble des actes inscrits à la NGAP exprimés en coefficients effectués par un masseur-kinésithérapeute et/ou par son remplaçant, remboursés par l'assurance maladie au cours d'une année donnée. Pour 1994, le plafond d'efficience d'activité individuelle compatible avec la distribution des soins de qualité a été par ailleurs fixé à 47 000 AMC et/ou AMK. Source : Arrêté du 17 mai 1994 portant approbation de la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes

Hommage d'un ami

Jacques, mon ami, mon frère, mon maître… Les lunettes embuées, je pense à toi en écoutant l’album postume d’Alain Bashung « je ne t’ai jamais dit Mais nous sommes immortels ». Jacques, tu incarnes la kinésithérapie quasiment depuis son origine et, sous l’impulsion que tu as su lui donner, la kinésithérapie poursuit son évolution au sein des professions de santé avec un rôle grandissant au service de la santé publique.

Voilà pourquoi Jacques, tu restes à nos côtés car tu es immortel. « As-tu senti parfois ? Que rien ne finissait ». En ce jour de deuil, je ne doute pas que la profession saura te rendre l’hommage que tu mérites. Il y a tant à rappeler... Personnellement, je voudrais simplement te dire « je t’aime, pour ce que tu es et pour ce que tu nous as donné ».

Avec toute ma reconnaissance,

François Maignien, ancien président de la FFMKR

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