Quelques réflexions au sortir d'une crise
Marie-Hélène Nédellec
- 12 mai 2020
Nous allons rouvrir nos cabinets et reprendre notre mission de soignants, gravement perturbée par les événements que nous venons de traverser. Notre activité va redémarrer, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, comme dans un rêve familier, et que nous aimons. Mais plus rien ne sera sans doute plus jamais pareil, avec une charge de contraintes supplémentaires que nous avons déjà plus ou moins intégrées. Nous sommes coutumiers des fardeaux administratifs, technocratiques, bureaucratiques, financiers… Cette fois, c'est plutôt le fond que la forme qui change. On s’y fera, on s'adaptera, on évoluera.
Car c’est bien notre nature humaine de néotène que de s’adapter. Refuser les comportements stéréotypés, toujours réinventer les règles, toujours en apprentissage, souvent par jeu ou par nécessité, parfois par coercition.
Pendant ces quelques semaines étranges, nous avons vécu dans une autre dimension où nos repères familiaux, sociaux, professionnels se sont dissous dans une dimension temporelle floue. Nous allons maintenant reprendre pied dans un quotidien incertain, et apprendre les gestes à faire, les mots à dire pour protéger, rassurer, apaiser, soulager… guérir. Un de mes maîtres avait l’habitude de dire que la guérison n’est pas un retour à l’état antérieur mais l’adaptation à une nouvelle donne, dans la quête d’un équilibre satisfaisant.
Nous allons donc guérir du covid-19 (je n’ai pas envie de lui accorder la majuscule), la plupart d’entre nous. Bien des observateurs inspirés ont déjà souligné qu’une crise, avec son lot de peurs, apporte aussi intrinsèquement des opportunités, propices à la créativité. Passée la gestion des peurs, pour se protéger (mode de survie), il faut se mettre en situation de réussite : transformer les obstacles en opportunités, acquérir de nouvelles compétences. Cette phase-là a déjà commencé.
Sans aucune flagornerie, il me semble essentiel de souligner le rôle déterminant qu’ont joué nos responsables syndicaux dans l’accompagnement de cette évolution. Leur mobilisation, leur réactivité, leur opiniâtreté ont été de la première heure, et pour ça je souhaite leur rendre hommage.
Grâce à leur dynamisme jamais démenti sont apparus de nouveaux outils : réseaux d’information, réseaux de distribution, soutien économique, etc.
Parmi ces nouveaux outils, il en est un qui a retenu toute mon attention, que j’appelais de mes vœux, et qu’ils nous ont obtenu à la force du poignet : le télésoin. Et pourtant, dès son approbation, la polémique s’est déchaînée ! Quoi qu’il en reste, chacun peut en faire ce qu’il veut, ce qu’il peut. Un outil de communication supplémentaire est le bienvenu, c’est un prolongement de notre efficacité clinique (obligation de moyens). Il nous reste à le pérenniser.
Malheureusement, dans cette avancée, il y a une grande oubliée : la rééducation périnéale. Bon, je vois d’ici les regards en coin, les sourires goguenards, voire concupiscents. Et pourtant ! La rééducation périnéale est bien plus que brancher une sonde, geste technique à la portée d’une main techniquement éduquée. L’éducation thérapeutique, comportementale, posturale, hygiénique, la surveillance, l’adaptation des programmes d’exercices, la gestion des pressions abdominales, les exercices respiratoires (les diaphragmes thoracique et pelvien ne se répondent-ils pas ?), le renforcement musculaire des chaînes profondes, et j’en passe, bref la RÉ-éducation périnéale, abdomino-pelvienne, dans ses multiples facettes, a toute sa place dans le télésoin. Les sages-femmes sont autorisées à la pratiquer, sans enfiler un doigtier, que je sache, avant de tapoter sur leur clavier. Je l’ai aussi pratiquée ainsi. Hélas, je l’ai fait gratuitement, n’étant autorisée à la facturer.
Mon dernier mot sera donc un plaidoyer pour que nous continuions sur cette belle avancée et que la rééducation périnéale soit incluse dans le télésoin où elle a, en tout bien tout honneur, toute sa légitimité.
Salutations confraternelles et bonne rentrée à tous !
Marie-Hélène Nédellec