Bientôt un simili "ordre" des ostéopathes ?

Sophie Conrard (avec APM news)
- 17 avril 2025
La direction générale de l'offre de soins (DGOS) a lancé en mars une concertation dans l'idée de créer une nouvelle autorité publique indépendante qui serait chargée de réguler les professions d'ostéopathe et de chiropracteur.
Dans le cadre de travaux visant à réformer les modalités d'agrément des écoles d'ostéopathie, "plusieurs organisations représentant les ostéopathes" ont proposé ce projet à la DGOS, affirme cette dernière, précisant que rien n'est arbitré à ce stade.
Cette autorité publique indépendante aurait 4 missions : assurer la compétence et la sécurité des soins prodigués par les professionnels afin d'assurer la protection du public ; réguler la formation initiale et continue des professionnels et évaluer leurs compétences tout au long de leur carrière ; encourager la recherche et le développement de méthodes de traitement basées sur des données scientifiques probantes ; créer un corpus déontologique pour chacune des professions et le faire respecter. Elle serait par ailleurs "chargée de la procédure d'agrément des établissements de formation initiale et continue, d'effectuer des inspections et des audits pour garantir la qualité des programmes et d'imposer des exigences strictes" pour accorder, renouveler voire retirer des agréments", détaille la DGOS.
Elle serait aussi chargée de délivrer "une licence d'exercice annuelle" aux professionnels, "conditionnée par le respect de normes professionnelles et le paiement d'une redevance", qui permettrait de financer cette autorité publique indépendante.
La DGOS évoque l'élaboration d'une feuille de route dès le deuxième trimestre 2025, la mise en place de groupes de travail thématiques jusqu'au printemps 2026, puis l'adoption d'un projet de loi, pour une installation de l'API "avant mars 2027".
Les problèmes glissés sous le tapis
Ironiquement, ce projet qui découle d'une volonté de réformer la procédure d'agrément des organismes de formation en ostéopathie risque de ne régler aucun problème. Dans un rapport de mai 2023, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) appelait à mieux contrôler la formation, et notamment à une "réduction du capacitaire de formation, à la mise en place d'un registre des accidents graves consécutifs à des actes d'ostéopathie et de chiropraxie, à une remise à plat de la procédure d'agrément et à un contrôle des enseignements dispensés". Or si cette autorité publique indépendante voit le jour, ce n'est plus la commission consultative nationale d'agrément (CCNA) qui aura la main sur les agréments de écoles de formation pour ces 2 professions. Ce sera cette autorité indépendante, qui aura toute latitude de continuer à ouvrir des écoles sans veiller à la qualité des enseignements, et sans tenir compte du fait que le nombre d'ostéopathes diplômés en France est bien trop élevé. Ils étaient 5 300 en 2010, et 27 000 en 2024, auxquels il faut ajouter environ 14 000 professionnels de santé (surtout des kinésithérapeutes et des médecins) qui sont également diplômés en ostéopathie. "L'Hexagone détient, et de très loin, le record mondial du nombre d'ostéopathes par habitant", résumait Le Figaro dans un article alarmant l'an dernier. Résultat : en 2022, la moitié des ostéopathes déclarait un bénéfice annuel inférieur à 17 500 €, soit moins d'un Smic par mois. Un quart choisissent le statut de micro-entrepreneur pour payer moins de charges.
Chez les kinésithérapeutes, on s'étonne d'un tel projet
Pour la FFMKR, c'est "le comble du mépris" de la part du ministère de la santé envers la profession. "Concrètement, cette future autorité regrouperait à la fois des pouvoirs ordinaux (rédaction de règles déontologiques sanctionnées par un pouvoir disciplinaire, inscription administrative), des pouvoirs normalement dévolus aux ARS (inspection des établissements de formation et reconnaissance des diplômes étrangers), des pouvoirs normalement dévolus à la Haute Autorité de Santé (évaluation de l’efficacité de l’ostéopathie), des pouvoirs normalement dévolus à l’autorité ministérielle (accord et retrait des agréments des établissements de formation) ainsi que des pouvoirs normalement dévolus aux conseils nationaux professionnels (le suivi de la formation continue). Autrement dit : le ministère de la Santé souhaite créer un Super-Ordre des ostéopathes !", s'alarme Sébastien Guérard, président de la FFMKR. "Ces égards apportés à une pratique non-éprouvée scientifiquement et qui n’est pas reconnue par le code de la santé publique sont inacceptables. La FFMKR demande l’annonce de l’abandon du projet d’autorité publique indépendante sur l’ostéopathie."
De son côté, la présidente du CNOMK, Pascale Mathieu, s'est déclarée "extrêmement inquiète". Face aux problèmes soulignés par l'Igas, "la solution proposée n'est pas du tout de faire le ménage dans les écoles et de taper fort du poing sur la table, c'est de faire une instance en quelques années, qui peut-être, un jour, agira. Cela ne va pas résoudre le problème de toutes ces personnes formées n'importe comment, qui pour beaucoup sont de bonne foi et croient ce qu'on leur a enseigné, et qui causent des dommages selon moi considérables, voire irréparables".