Avec les «Bleues» à Clairefontaine : Préparées pour gagner
Jean-Pierre Gruest
Kiné actualité n° 1409 - 18/06/2015
Le 11 mai dernier, 22 des 30 joueuses sélectionnées en équipe de France [1] se sont retrouvées au Centre national du football de Clairefontaine, dans les Yvelines, pour trois semaines de préparation et deux matches amicaux [2], avant de décoller le 31 mai pour le Canada. Le Dr Fabrice Bryand et les trois masseurs-kinésithérapeutes (Marianne Boussely, Sarah Lacroix, recrutée en mars 2015, et Joël Barthe) les y ont accueillies avec un seul objectif : les “bichonner” pour qu’elles puissent briller lors de cette compétition qu’elles préparent intensément depuis leur désillusion à l’Euro 2013, dont elles étaient favorites. “Durant cet ultime stage, il s’agit surtout de soigner les bobos et de prendre en charge la récupération des joueuses, qui viennent de terminer leur championnat, pour mettre leur corps dans le meilleur état clinique possible afin qu’elles attaquent le mondial au top de leur forme”, explique Marianne Boussely. Forte de ses expériences passées en sport collectif, notamment avec l’équipe de France de handball féminin, elle sait que “l’équipe qui va au bout est généralement celle à qui il reste le plus de jus à la fin”.
Depuis que Philippe Bergeroo a pris les rênes de la sélection à l’été 2013, il a œuvré pour faire progresser l’équipe, tant au niveau de son fond de jeu et de sa technique qu’en termes de préparation physique. “Le président de la Fédération française, Noël Le Graët, souhaitait que les filles franchissent un pallier et nous a donc donné les moyens de le faire. Même s’il y a toujours une part de chance dans le football, il est plus difficile d’obtenir des résultats si l’on ne se place dans les conditions optimales”, souligne le “Doc”, qui supervise également l’équipe A masculine. En collaboration avec le Service de recherche des armées, des tests de salive ont par exemple été initiés afin d’y rechercher des marqueurs de fatigue. Une technique utilisée pour les pilotes de “Rafale” ! Le sommeil des joueuses est également passé au crible, avec des questionnaires réguliers pour comprendre pourquoi certaines ont du mal à s’endormir ou se réveillent la nuit.
Pour Marianne Boussely (cheveux courts blonds), les joueuses sont “à l’écoute, très obéissantes de nos consignes”. |
Synthétique : attention danger !
Côté soins, le staff médical utilise aussi bien les techniques de base (massages, pressothérapie, électrothérapie, bains chauds et froids…) que les dernières innovations en termes de récupération, avec l’acquisition récente d’une cabine de cryothérapie (qui restera cependant à Clairefontaine). “Nous emporterons à la place un bassin pour bains froids”, précise Joël Barthe, qui explique que le matériel pour le Canada a été choisi “en essayant de trouver le juste équilibre entre performance et encombrement, surtout dans la mesure où l’on peut être amenés à changer plusieurs fois d’hôtel”. Le tournoi se déroulant sur gazon synthétique, tous les entraînements à Clairefontaine se sont tenus sur des terrains de cette matière.
Ce jour-là, Frédéric Aubert, le préparateur physique, organise une séance “tranquille” pour que les Bleues s’adaptent à cette surface traumatisante. “C’est physiquement plus dense, plus lourd, avec un travail de pied, d’appui, de réactivité et d’explosivité qui est différent par rapport au gazon naturel”, observe Marianne Boussely, qui s’attend par conséquent à “davantage de blessures au niveau des adducteurs et des ischio-jambiers”. Pour les prévenir, un programme de renforcement spécifique des groupes musculaires les plus sollicités a été mis en place. “Et, en soins, quand on sent qu’une zone commence à siffler chez une joueuse, on lève le pied et on aménage ses entraînements le temps nécessaire pour qu’elle récupère et éviter ainsi qu’elle ne se fasse mal”, explique la kinésithérapeute-ostéopathe.
Exercices de gainage sur le plateau technique, supervisés par Joël Barthe. |
Un panel de techniques complet
Pendant ce type de stages, les trois kinésithérapeutes sont sur le pont dès 9 heures et souvent jusque tard le soir. Ils ne ménagent pas leur peine pour tâcher de mettre toute l’équipe dans les meilleures dispositions possibles. “Notre rôle est de tout faire, dans le respect de la déontologie, pour que toutes les joueuses soient à 100 % de leurs capacités et que le sélectionneur ait l’embarras du choix pour composer l’équipe qu’il souhaite vraiment. S’il décide par défaut, c’est qu’on n’aura pas été à la hauteur”, explique Fabrice Bryand, confiant dans l’expertise de ses collaborateurs.
“Nous sommes très complémentaires et, à nous trois, nous offrons un panel de techniques complet”, affirme Marianne Boussely, qui n’hésite pas à faire appel à des pratiques moins conventionnelles comme la médecine chinoise. S’il existe parfois des désaccords sur la stratégie ou le protocole à mettre en place, “on en parle et une fois qu’on s’est décidé, on y va à fond. Moi le premier, même si j’étais réticent au départ”, explique le médecin. Une cohésion capitale pour la sérénité du groupe et des joueuses, et pour leur efficacité sur le terrain. “En deux ans, la confiance s’est instaurée progressivement avec les filles et maintenant, dès qu’elles ont un problème, elles viennent spontanément nous en parler et nous poser des questions. Elles sont à l’écoute, très obéissantes de nos consignes. C’est un vrai bonheur de travailler avec elles”, assure Marianne Boussely. Espérons que cette discipline les portera très loin !
[1] Étaient absentes les joueuses du PSG qui devaient disputer la finale de la Ligue des champions contre Francfort quelques jours plus tard.
[2] Les Bleues l’ont emporté 2-1 contre la Russie et 1-0 contre l’Écosse.
© J.-P. Gruest/Kiné actualité