C'est sans aucun doute la plus séduisante exposition de ce début d'année à Paris. \"L'art et l'enfant, chefs-d'oeuvre de la peinture française\" réunit les plus grands artistes autour de ce thème. À ne pas manquer.

C’est une fresque inédite sur un thème on ne peut plus fédérateur, celui de l’enfance. L’occasion de saluer l’initiative du musée Marmottan Monet qui est parvenu à réunir des œuvres absolument exceptionnelles, qui forment une exposition particulièrement réussie. L’événement est prévu jusqu’au début juillet mais les réservations sont si nombreuses qu’il est d’ores et déjà question de le prolonger. Il s’agit bien de chefs-d’œuvre de la peinture française qui sont présentés sous le même toit : L’enfant au toton de Jean-Siméon Chardin, La bécquée et La leçon de tricot de Jean-François Millet, Le clairon d’Éva Gonzalès, Le petit marchand de violettes de Fernand Pelez, la Promenade à Argenteuil de Claude Monet, Eugène Manet et sa fille dans le jardin de Bougival de Berthe Morisot, Les enfants de Martial Caillebotte, La leçon de Pierre-Auguste Renoir… Sans compter Le ballon de Félix Vallotton, Le portrait de Pierre de Henri Matisse ou encore Le peintre et l’enfant de Pablo Picasso pour ne citer que les plus fameuses toiles exposées à Marmottan. On pourrait y ajouter celles de Le Nain, Philippe de Champaigne, Greuze, Daumier, Cézanne, Maurice Denis, Bonnard, Corot, Chaissac, Dubuffet et quelques autres tout aussi fameux ! C’est dire le caractère prestigieux de cette exposition.

Pierre-Auguste Renoir, “L’Enfant à l’oiseau (Mlle Fleury en costume algérien)”, 1882. Huile sur toile, 126, 5 x 78 cm. Williamstown, Sterling and Francine Clark Art Institute, Massachusetts, États-Unis.	Anonyme, “Portrait du futur Louis XIV, enfant”, vers 1640. Huile sur toile,  89 x 65 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

Le triomphe du sentiment familial
C’est l’une des pièces majeures du musée de Cluny, La présentation au temple, attribuée à André Beauneveu et Jean de Liège, qui accueille le visiteur et montre la prédominance de l’enfant-Dieu dans la peinture jusqu’à la fin du Moyen-Âge. “C’est un point de départ”, expliquent Dominique Lobstein et Marianne Mathieu dans le catalogue de l’exposition. “L’enfant abstrait hérité de Byzance conserve son rôle mais son image évolue et se confond avec celle d’un petit homme emmailloté, identique à ses congénères humains. Du fils de Dieu au dauphin de droit divin, il n’y a qu’un pas que commanditaires et artistes franchissent rapidement : l’enfant est libéré de ses langes et revêtu des symboles de sa fonction future.”

Prêtés par les plus grands musées d’Europe, des portraits d’enfants rois, souvent accompagnés de leur mère régente, forment une intéressante reconstitution des grandes cours impériales, avec notamment les deux fils d’Anne d’Autriche : Louis XIV et son frère Philippe de France.

Le siècle des Lumières est bien présent avec une représentation plus scientifique et plus “réelle” de l’enfant. L’allaitement maternel devient à la mode et les femmes de l’aristocratie se font immortaliser en train de donner le sein. Et c’est bientôt “le triomphe du sentiment familial”, avec des pères et mères que l’on voit enlaçant leurs enfants de façon très démonstrative.

Philippe-Auguste Jeanron, “Les Petits Patriotes”, 1830. Huile sur toile, 101 x 81 cm. inv. FNAC PFH-5689. Paris, Centre national des arts plastiques en dépôt au musée des Beaux-Arts de Caen.

Matisse et Picasso croqués par leurs enfants
Le 19e siècle voit se partager les peintres entre ceux qui représentent l’enfant dans le monde rural, comme Millet, et ceux qui montrent l’enfance dans les réalités urbaines d’une époque marquée par la pauvreté et la promiscuité. C’est le temps de Gavroche, de l’enfant au travail et de la petite prostituée. Il faudra attendre les Impressionnistes pour peindre une enfance plus bourgeoise et préservée.

Une partie très originale et distrayante de l’exposition est consacrée aux enfants de peintres, où l’on voit les rejetons de nos illustres artistes s’exercer au crayonnage ou à la peinture. On voit certains d’entre eux s’aventurer à immortaliser leur père avec leur palette ! Matisse et Picasso y sont montrés comme jamais.

Réalisés dans un cadre strictement familial, ces peintures marquent une certaine reconnaissance de la création enfantine, totalement ignorée jusqu’alors.

Jusqu’au 3 juillet 2016 Musée Marmottan Monet 2, rue Louis-Boilly 75016 Paris Tél. : 01 44 96 50 83 et www.marmottan.fr

© Photo © Sterling and Francine Clark Art Institute, Williamstown, Massachusetts, USA (photo by Michael Agee)
© Photo © RMN-Grand Palais / Daniel Arnaudet
© Photo © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot
© Photo © Olivier Goulet